Tribune « J’accuse » – De l’Abeille contre la Loi Duplomb

J’accuse.
J’accuse votre silence, vos votes à main levée, vos compromis entre le rendement et la vie.
J’accuse ce retour en arrière, maquillé en solution pragmatique : la réautorisation de l’acétamipride.
J’accuse la loi Duplomb d’avoir préféré calmer la colère de quelques-uns… plutôt que d’écouter notre lente disparition.
Je suis l’abeille.
Je n’ai pas de micro. Je ne manifeste pas. Je ne bloque pas les routes. Je me contente de butiner, d’assurer la pollinisation de plus de 80 % des plantes à fleurs et 75 % des cultures vivrières européennes. Je travaille gratuitement, discrètement, sans relâche. Et je meurs en silence.
J’accuse les poisons dits « raisonnés ».
L’acétamipride, cet insecticide néonicotinoïde à nouveau autorisé sous prétexte qu’il est « moins pire », est pourtant toxique pour mes congénères. Des études ont montré qu’il affecte la mémoire, la navigation et le système immunitaire des abeilles.
Il n’est pas seulement pulvérisé. Il reste dans les plantes, le pollen, le nectar. Il désoriente, affaiblit, ralentit, jusqu’à ce que nous ne retrouvions
plus notre ruche. Jusqu’à ce que nous mourions.
J’accuse l’oubli volontaire. Depuis 1995, la France a
perdu près de 30 % de ses colonies d’abeilles chaque année. Dans certaines régions, les taux de mortalité dépassent les 50 %. Et
pourtant, on continue. À chaque fois, on nous promet que ce sera « exceptionnel », « temporaire », « encadré ».
J’accuse la peur instrumentalisée. Oui, les agriculteurs souffrent. Oui, leurs récoltes sont menacées. Mais sommes-nous vraiment ennemis ? Ne sommes-nous pas les premières victimes d’un même système qui précipite le vivant dans l’impasse ? Et si l’on vous fait croire que sans pesticides il n’y aura plus d’agriculture, c’est qu’on oublie que sans pollinisateurs, il n’y aura plus de vie.
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