Les abeilles ne se contentent pas de produire du miel. Elles assurent une tâche invisible mais capitale qui est la pollinisation. Concrètement, cela consiste à transporter le pollen d’une fleur à une autre, permettant ainsi la fécondation des plantes. Sans cette étape, il n’y a ni fruits, ni légumes, ni graines.
En France, selon l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), 80 % des espèces végétales cultivées dépendent directement des insectes pollinisateurs pour leur reproduction. Et parmi ces insectes, l’abeille est de loin la plus efficace, notamment grâce à son comportement qui lui permet de visiter des milliers de fleurs par jour.
À noter : une colonie d’abeilles peut effectuer jusqu’à 500 millions de fleurs visitées en une seule saison.
Des cultures essentielles en danger
En cas de disparition des abeilles, certaines cultures deviendraient extrêmement rares, voire impossibles à maintenir. Parmi les plus vulnérables, on trouve :
Les arbres fruitiers : pommiers, cerisiers, poiriers, abricotiers…
Les fruits rouges : fraises, framboises, myrtilles
Les légumes-fleurs : courgettes, aubergines, concombres
Les oléagineux : tournesol, colza
Les plantes fourragères : trèfle et luzerne, utilisés pour nourrir le bétail
Selon une étude de l’Observatoire Français d’Apidologie, près de 35 % de ce que nous mangeons disparaîtrait sans les pollinisateurs, avec un impact fort sur la variété et la disponibilité des aliments dans les rayons.
Fruits, légumes, graines : ce qu’on perdrait vraiment
Une disparition totale des abeilles entraînerait un appauvrissement brutal de notre alimentation. Moins de fruits et légumes signifie :
Moins de fibres et de vitamines dans l’alimentation quotidienne
Hausse des maladies nutritionnelles (diabète, obésité, carences)
Réduction des rendements agricoles, notamment dans les exploitations maraîchères et fruitières
Un rapport de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) évoque que la disparition des pollinisateurs engendrerait une crise alimentaire globale, car même l’alimentation animale serait touchée, ce qi réduirait indirectement la production de viande, de lait et d’œufs.
Les causes de leur disparition
Pesticides et agriculture intensive
Plusieurs facteurs menacent aujourd’hui les abeilles comme le réchauffement climatique, l’effondrement des colonies, les parasites… Mais parmi les plus graves, on retrouve les pesticides systémiques. En tête de liste les néonicotinoïdes, des insecticides chimiques agissant sur le système nerveux des insectes. Très persistants dans les sols, ces produits contaminent le pollen et le nectar, ce qui affecte les abeilles même plusieurs semaines après l’épandage.
Les néonicotinoïdes désorientent les abeilles, affaiblissent leur reproduction et raccourcissent leur durée de vie, ce qui fragilise l’ensemble de la colonie (source : ANSES, 2020).
La loi Duplond : un retour en arrière controversé
En 2020, la France adopte une dérogation controversée, dite loi Duplond, autorisant temporairement l’usage des néonicotinoïdes pour protéger les cultures de betteraves sucrières menacées par un virus transmis par des pucerons.
Bien que les betteraves ne soient pas mellifères, ces pesticides contaminent l’environnement comme les sols, plantes avoisinantes, eau. De nombreuses ONG (Pollinis, FNE, Générations Futures) dénoncent une atteinte grave à la biodiversité et un recul par rapport à l’interdiction de 2018.
Bien qu’abandonnée en 2023 suite à une décision européenne, la loi Duplond a été réactivée début 2025. Cette réintroduction a provoqué une vive réaction des ONG environnementales et des syndicats apicoles, qui dénoncent un nouveau recul environnemental, en contradiction totale avec les engagements pour la biodiversité.
Les conséquences alimentaires concrètes
Moins de diversité, plus de dépendance
La disparition progressive des abeilles aurait un effet direct sur la diversité alimentaire. Sans pollinisation, une grande partie des fruits, légumes, oléagineux et plantes à fleurs ne pourraient plus se reproduire et nous aurons moins de diversité dans nos assiettes.
Selon l’INRAE, plus de 75 % des cultures vivrières mondiales dépendent au moins partiellement de la pollinisation animale. Cela concerne non seulement les cultures fraîches (fruits, légumes), mais aussi les cultures de base pour d’autres produits alimentaires (huiles, graines, herbes, etc.).
Sans abeilles, nous perdrions notamment :
Pommes, poires, cerises, abricots
Courgettes, concombres, aubergines
Amandes, colza, tournesol
Plantes aromatiques comme le basilic ou le thym
Hausse des prix, pénurie, déséquilibres nutritionnels
Avec la baisse des rendements agricoles et la disparition de certaines cultures, les produits encore disponibles deviendraient plus rares… et donc plus chers. Cette hausse toucherait surtout les fruits et légumes frais, déjà sensibles aux changements climatiques.
Ce que cela impliquerait :
Les fruits et légumes pollinisés pourraient devenir des produits de luxe
Les familles les plus modestes en consommeraient moins, faute de moyens
L’alimentation quotidienne se tournerait vers des produits moins chers mais moins nutritifs : féculents, aliments transformés, plats industriels
Ce changement entraînerait une alimentation moins variée et moins équilibrée, aggravant les problèmes de santé (obésité, carences) et les inégalités entre régions, mais aussi entre pays développés et en développement. On parle selon une étude de Harvard de plus de 420 000 décès prématurés par an… En savoir plus
Les solutions ?
Changer nos pratiques agricoles
L’un des leviers majeurs pour protéger les abeilles est de transformer notre modèle agricole, aujourd’hui largement basé sur la productivité à court terme, au détriment de la biodiversité. Pour cela, plusieurs mesures concrètes peuvent être mises en œuvre :
Réduction drastique de l’usage des pesticides, notamment les produits systémiques
Diversification des cultures pour éviter les monocultures appauvrissantes
Rotation des cultures pour préserver la fertilité des sols et limiter les maladies
Mise en place de bandes fleuries ou de haies mellifères dans les parcelles agricoles
Selon un rapport de l’INRAE et du CNRS, ces pratiques améliorent la résilience des cultures tout en permettant une meilleure cohabitation entre production agricole et pollinisateurs.
Bon à savoir : des agriculteurs engagés en agriculture biologique ou en agroécologie constatent une hausse du nombre d’abeilles sur leurs parcelles, avec un effet positif sur leurs rendements.
Favoriser les alternatives naturelles
Il existe aussi des solutions non chimiques pour protéger les cultures sans nuire aux insectes pollinisateurs :
Utilisation de prédateurs naturels (coccinelles, syrphes) contre les pucerons
Installation de nichoirs à insectes pour favoriser la biodiversité
Usage de phéromones ou de pièges lumineux pour cibler certains ravageurs
Pratiques de lutte intégrée, combinant observation, prévention et solutions douces
Ces méthodes, longtemps marginales, gagnent du terrain grâce aux retours positifs des producteurs engagés et aux programmes de formation en agroécologie soutenus par l’État.
Encourager l’apiculture locale
Enfin, l’apiculture joue un rôle central dans la préservation des abeilles, mais aussi dans la sensibilisation du grand public. En soutenant des apiculteurs locaux, on contribue à :
Maintenir des colonies en bonne santé
Favoriser la pollinisation dans les zones rurales et périurbaines
Créer du lien entre nature, agriculture et alimentation
Certaines initiatives comme le parrainage de ruches permettent aux particuliers et entreprises d’agir concrètement en finançant l’installation et l’entretien de ruches, tout en recevant du miel en retour. Cette initiative vous permet de contribuer concrètement à la préservation des colonies d’abeilles et de soutenir nos apiculteurs français. En savoir plus